"Le redéploiement des groupes armés se fait sur les corps des femmes", déclarait, soucieux, le gynécologue de renom Denis Mukwege en mars 2012. Plus de deux ans après sa mise en garde, les agressions des milices armées à l’est de la RDC n’ont fait qu’augmenter. "Au cours du premier semestre de l'année 2014, Heal Africa a identifié 2 829 survivants de violences sexuelles dans les provinces du Nord-Kivu et du Maniema", a annoncé lundi 18 août dans un communiqué l'hôpital Heal Africa, spécialisé dans l'aide aux victimes.
Parmi elles, certaines ont été violées avant le début de l’année. Ainsi, 1 679 personnes ont été enregistrées par l'hôpital Heal Africa au cours du premier semestre précisément, dont 1 573 ont été prises en charge, selon Ferdinand Mugisho, chargé de communication de l'établissement.
Heal Africa, basé à Goma, capitale du Nord-Kivu, dit avoir fourni à bon nombre de victimes une assistance médicale, psychosociale, économique et juridique. Plus précisément, 1 080 d'entre elles ont reçu un traitement dans les 72 heures suivant l'agression pour prévenir une contamination au VIH/sida et une grossesse indésirée.
Mais l’hôpital n'a pas pu soigner toutes les victimes, en grande majorité des femmes, car "certaines sont trop loin, d'autres ont la famille qui ne les encourage pas à venir si les blessures ne sont pas très graves, ou se font soigner dans des centres de santé près de chez elles", a détaillé Ferdinand Mugisho.
Seuls 98 jugements rendus sur 440 dossiers
Fin avril à Genève, le Conseil des droits de l'Homme de l'ONU a salué les efforts de Kinshasa pour éliminer les violences sexuelles, véritable fléau dans le pays avec deux décennies de conflit chronique dans sa moitié est, mais ils ont estimé qu'il fallait en "faire davantage".
Car tous les efforts restent insuffisants. Le Dr Jonathan Kasereka Muhindo Lusi, représentant légal de Heal Africa, cité dans le communiqué, a appelé les partenaires de l'hôpital à "multiplier les efforts dans la lutte contre les violences sexuelles".
"Il est déplorable que sur 440 dossiers suivis par nos cliniques juridiques, seuls 98 jugements ont été rendus" au Nord-Kivu et au Maniema, a-t-il souligné.
Des violences sexuelles "méthodiques"
Médecins sans frontières (MSF) a dénoncé en juillet dernier les pratiques abusives des milices armées dans des régions minières de l’est de la RDC, évoquant des pratiques d'"esclavage sexuel". MSF souligne également l’inquiétante recrudescence du niveau de violence des groupes armés, dont les exactions sont fréquentes dans cette zone.
Source: AWID
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