Depuis sa création en 1991, elle travaille en collaboration avec d’autres organisations de défense des droits humains, à la formulation d’un cadre féministe palestinien dans le domaine juridique et des droits humains. Cette entreprise représente un défi majeur étant donné l’occupation israélienne en Cisjordanie, dans la Bande de Gaza et à Jérusalem. Les Palestiniennes savent que les conflits armés sont dominés par des hommes et par des idéologies militaristes défavorables aux droits des femmes.
Bien que l’action militaire concerne au premier chef la sphère publique, les conséquences des violences se font également sentir dans la sphère privée. WCLAC a constaté un regain des tensions et une baisse des échanges communicationnels au sein des familles, du fait que les individus sont, en période de crise, sujets au stress et dépressifs. Les hommes sont particulièrement concernés, dans la mesure où, incapables de protéger leur maison, leur famille et leur communauté contre l’occupation, ils se sentent totalement inutiles. Ceci a entraîné une augmentation des cas de violences sexospécifique, familiale et d’inceste. Les femmes sont moins susceptibles que les hommes de reporter leurs frustrations sur les membres de leur famille car elles tendent à s’appuyer davantage que les hommes sur leurs réseaux de soutien social et sont davantage disposées à parler de leurs problèmes et à en partager le fardeau.
WCLAC tente de répondre à de tels problèmes et soutient les femmes de Palestine en proposant des services d’orientation et de prise en charge psychologique, ainsi qu’une aide juridique et sociale pour les femmes victimes de violences psychologiques, verbales, physiques ou sexuelles. Nous brisons le silence qui règne à propos de la violence sexospécifique et nous encourageons les recherches et la documentation sur les violations des droits féminins.
WCLAC critique également les textes législatifs de l’Autorité palestinienne qui sont discriminatoires vis-à-vis des femmes. Nous sommes parvenues à rehausser le niveau du débat sur le code de la Famille et nous avons directement contribué à la loi sur la santé et sur le système criminel. Nous faisons pression sur l’Autorité palestinienne pour qu’elle adopte la Convention sur l’Elimination de toutes les Formes de Discrimination à l’égard des Femmes (CEDAW) et qu’elle en intègre les principes aux lois palestiniennes.
L’Autorité palestinienne n’ayant pas le statut d’Etat, elle ne peut pas ratifier la CEDAW, toutefois les organisations gouvernementales et non gouvernementales présentes dans les territoires occupés ont pris l’initiative de soumettre leurs rapports au comité CEDAW des Nations Unies chargé de suivre la mise en application de la CEDAW. En 1999, nous avons organisé un atelier s’adressant à des représentantes et des représentants hauts placés de diverses organisations gouvernementales et non gouvernementales palestiniennes, de formation à la rédaction des rapports pour le comité CEDAW. L’atelier déboucha sur la production et la publication en arabe par les différentes organisations, d’un rapport commun sur la situation des femmes palestiniennes.
Ce genre d’initiatives a soulevé des protestations de la part de mouvements religieux comme non religieux. Les questions suivantes ont été posées : comment WCLAC peut-il promouvoir les droits des femmes dans la société palestinienne alors que ce sont les droits de la société palestinienne dans son ensemble qui sont systématiquement bafoués ? Comment WCLAC peut-il légitimer son action pour un changement social féministe dans un contexte où les besoins de base ne sont toujours pas satisfaits ?
WCLAC répond à ces interrogations de deux manières. D’une part, elle s’assure que son action ait un caractère décentralisé, pratique, et qu’elle ait un sens au regard de la vie quotidienne des femmes et des hommes vivant sous l’occupation israélienne. Des initiatives locales ont créé dix comités sur les droits à Jénine et à Kalkylia qui reçoivent le soutien de WCLAC. Nous avons également formé trente-deux formateurs locaux aux droits des femmes. D’autre part, par l’intermédiaire des media et de programmes éducatifs, nous travaillons à la promotion d’une nouvelle acception des « comportements patriotiques », de façon à y inclure les activités féminines relevant du domaine privé comme du domaine public telles que les soins prodigués à la famille, les campagnes de pression en faveur des droits féminins et la lutte contre les violences faites aux femmes. Les actions féminines publiques et privées représentent des actes importants de résistance à une occupation qui sape l’infrastructure sociale de la société palestinienne.
SORAIDA ABED HUSSAIN, directrice du service de formation juridique, Centre féminin palestinien d’aide et de prise en charge juridique (Women’s Centre for Legal Aid and Counselling WCLAC)
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