La création d'un syndicat qui était une association jusqu'en 2011, a fait un boom dans le milieu des nounous en France. Elle a atteint son objectif d'organiser des gardes d'enfants qui exercent chez les parents - des particuliers, des employeurs ou comme nounous et de faire valoir leurs droits.
C'est une militante acharnée des bonnes causes puisqu'elle a créé deux autres associations en Côte d'Ivoire: l'une similaire à celle basée en France pour redorer le blason des filles employées de maison et l'autre visant à lutter pour la scolarisation de la petite fille et contre la pauvreté et la faim dans son pays. Portrait de cette Ivoirienne féministe et humaniste indignée.
Tout part d'un licenciement abusif en 1986 parce qu'elle attend un enfant. Son désir d'autonomie la mène à ouvrir un petit commerce de vêtements et elle se consacre également à l'éducation de ses enfants. Avec ses maigres moyens, Sylvie Fofana soutient la famille au moment où son mari perd son boulot en 1989.Elle quitte la Côte d'Ivoire pour la France trois ans plus tard.
Elle croyait trouver l'Eldorado mais c'est la désillusion ! Alors qu`elle prépare une formation de Bac pro secrétariat bureautique à la Courneuve, son oncle, qui l'avait entretemps hébergée, la met à la porte. Commence alors pour elle une vie de Sans Domicile Fixe. Dormant par-ci, par-là, elle finit dans un foyer d'hébergement d'urgence à la rue de Crimée dans le 19e arrondissement de Paris en juillet 1993 et ceci grâce à une vielle dame française. Elle restera dans ce foyer presque deux mois. Le tout avec sa fille de moins d'un an qu'elle traîne avec elle. Dotée d'un mental d'acier, Sylvie Fofana surmonte progressivement les obstacles qui se dressent devant elle. Elle devient alors garde d'enfants chez des particuliers qui l'emploient en garde partagée. Enfin une tâche qui lui permet d'améliorer sa vie et de subvenir aux besoins de ses enfants restés au pays !
Mais dans cette profession, elle goûte à l'amère expérience des femmes immigrées face à des patrons véreux.
En 2009, la famille où elle travaille tente de la licencier sous le couvert d'une démission imposée. Pour elle, c'est inacceptable ! La docile Sylvie se révolte et crie à l'injustice. Elle refuse ainsi de s'enfermer dans le silence. Le 17 octobre 2010 avec 17 amies, elle décide de créer l'Association des Nounous d'Ile-de-France (ANIF). C'est le début d'un combat pour la dignité des nounous. « Je suis rentrée chez moi. J'étais mal dans ma peau, dans ma chair. J'avais mal. Vraiment. Soit je faisais quelque chose car plein de nounous ont été victimes comme moi de patrons abusifs, soit je me taisais. J'ai appelé 17 nounous que je connaissais en leur demandant si elles étaient intéressées à s'organiser, à se regrouper en association. Quand on comprend la convention collective, on peut dire aux employeurs : vous n'avez pas le droit de faire ceci ou cela. Au bout d'un quart d'heure, les ¾ ont répondu par l'affirmative», raconte-t-elle.
Sylvie Fofana veut redorer le blason terni des nounous. « Il faut prendre conscience de cela et valoriser et respecter ces femmes. Or, beaucoup ont honte de pratiquer ce métier et sont considérées comme des bonniches », indique cette passionnée du métier qui est constamment en contact avec les enfants. «Il n'y a pas plus beau que le sourire d'un enfant,» affirme-t-elle.
Elle va plus loin et crée en avril 2012 le Syndicat National des Nounous (SYNN), qui devient le Syndicat Professionnel des Gardes d'Enfants à Domicile (SPGED) en juin de la même année. Au mois de janvier 2014, le syndicat est baptisé Syndicat National des Auxiliaires Parentales (SNAP).
Cette infatigable militante des bonnes causes n'oublie pas sa terre natale, la Cote d'Ivoire. Le 7 août 2011, elle met sur pied une organisation non gouvernementale appelée Woroba, qui œuvre contre la faim et la pauvreté en Côte d'Ivoire et lutte pour la scolarisation de la petite fille. C'est là que son féminisme prend tout son sens. «Quand j'aide les femmes à se battre contre les injustices dont elles sont victimes, j'apporte ma pierre à l'édifice de la parité. Je voudrais humaniser le monde », indique-t-elle. Tout son humanisme transpire dans ses actions sur le terrain en Côte d'Ivoire en faveur des employées de maisons qui sont appelées «bonnes » ou « servantes ». Des mots que Sylvie Fofana bannit de son vocabulaire car ils sont trop esclavagistes, estime-t-elle.
Elle qui fond en larmes quand elle voit la souffrance endurée par ces jeunes filles dont la plupart sont des mineures. Raison de plus pour créer la première Association des salariés du particulier employeur de Côte d'Ivoire (ASPE-CI) en avril 2014. « Si chacun de nous donnait de son temps pour la justice des opprimés et des moins forts, le monde serait un paradis », dit la président fondatrice de l'ASPE-CI. Elle a décidé d'apporter son expertise et son expérience à son pays à travers cette jeune organisation basée en Côte d'Ivoire. En synergie avec le Réseau ivoirien pour la défense des droits de l'enfant et de la femme (RIDDEF), Sylvie Fofana fait un plaidoyer sans relâche qui vise à terme l'obtention de conditions de vie décentes pour les travailleurs domestiques. Le vote d'une loi, bien que sur la table des députés ivoiriens, se fait attendre. Cette loi qui devrait, d'une part, permettre d'humaniser la noble et indispensable activité de ce personnel de maison et d'autre part, leur offrir une couverture sociale bien méritée.
Chantal Ayemou, présidente du RIDDEF ne tarit pas d'éloges à l'égard de Sylvie Fofana. « C'est une combattante de la liberté », confie-t-elle. Des mots qui résument la détermination de cette Ivoirienne qui s'est engagée pour la cause et la dignité des nounous en France.
Ecrit par Augustin Tapé.
Augustin Tapé est journaliste en Côte d'Ivoire. Cet article fait partie du service d'information de Gender Links qui apporte des perspectives nouvelles à l'actualité quotidienne.
Source: GenderLinks
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