Par Massan d’ALMEIDA[1]
Introduction
Les 02 et 03 novembre 2015, à l’invitation du Représentant Spécial du Secrétaire-Général des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest, M. Mohamed Ibn Chambas, nous avons participé à la Réunion de validation du rapport de la mise œuvre du Plan d’Action Régional sur la résolution 1325 et suivantes du Conseil de Sécurité des Nations Unies (CSNU) et à la Journée Portes Ouvertes Femmes, Paix et Sécurité organisées par le Bureau de Nations Unies pour l'Afrique de l'Ouest (UNOWA) à Dakar au Sénégal.
Réunion de validation du rapport de la mise œuvre du Plan régional sur la résolution 1325 du CSNU
Tenue le 3 novembre 2015 à la salle de conférence de l’Hôtel Ngor Diarama, la réunion a regroupé une quarantaine de participant-e-s venues de 11 pays représentant les organisations de la société civiles, les ministères du genre (dont la plupart sont des membres du Groupe de Travail Femmes, Paix et Sécurité en Afrique de l’Ouest), les consultants ayant évalué les Plans d’Action Nationaux, les partenaires techniques (ONU Femmes, Centre de la CEDEAO pour le Développement du Genre -CCDG, Union du Fleuve Mano - UFM, UNOWA).
La session a débuté avec deux allocutions prononcées par Mme Kéméalo M. Agathe TELOU, Conseillère Genre – UNOWA et Mme Comfort Lamptey, Conseillère Gouvernance, Paix et Sécurité – ONU Femmes.
Mme Telou a rappelé le contexte d’élaboration du Plan d’Action Régional (PAR) et des Plans d’Action Nationaux (PAN). Elle a dit que le PAR a été adopté en Septembre 2010 à Dakar, en marge des activités commémoratives du 10e anniversaire de la résolution 1325 (2000) à l’initiative du Centre de la CEDEAO pour le Développement du Genre (CCDG), de l’UNOWA, ONU Femmes et leurs partenaires afin de créer les conditions d’une meilleure articulation et focalisation des efforts sur les objectifs de la 1325 (2000) dans l’espace CEDEAO. Suite à l’adoption du PAR, tous les pays de la région ont été encouragés à adopter et mettre en œuvre, un Plan d’Action National (PAN), ce qui a été fait dans douze pays (Burkina-Faso, Côte d’Ivoire, Gambie, Ghana, Guinée, Guinée-Bissau, Liberia, Mali, Nigéria, Sénégal, Sierra Leone et Togo) sauf au Benin, Cap Vert, Mauritanie et Niger. Elle a souligné que le PAR (2010 – 2014) avait un schéma de mise en œuvre assez claire avec une attribution des rôles et des responsabilités des différentes parties prenantes. Le PAR avait identifié trois principaux acteurs de mise en œuvre : les ministères du genre, les organisations de la société civile et les partenaires techniques et financiers qui doivent agir sous la direction de la CEDEAO. Elle a relevé que pour l’évaluation de la mise en œuvre du PAR, les données ont été recueillies par les bureaux d’ONU Femmes et dans les pays où ONU Femmes n’avaient pas de bureau, l’UNOWA a recruté des consultant-e-s nationaux qui ont aidé à la collecte des données relatives à l’exécution des PAN. UNOWA a également recruté un consultant régional pour produire un rapport de synthèse des résultats de la mise en œuvre du PAR.
Dans son allocution, Mme Comfort Lamptey a parlé des activités d’ONU Femmes relatives au 15 ème anniversaire mondial et de la nouvelle résolution 2242 (2015) adoptée à l’unanimité par le Conseil de Sécurité en vue d’améliorer les efforts de mise en œuvre de la résolution 1325 (2000).
Les travaux se sont poursuivis avec la présentation du rapport synthèse d’évaluation du PAR par le Consultant régional, M. Soce Sene.
M. Sene a rappelé le cadre de l’évaluation dont le but était de mesurer le degré d’atteinte des objectifs du plan d’action pour la mise en œuvre des résolutions 1325 (2000) et 1820 (2008) du CSNU par les différents pays de la sous-région ouest-africaine afin d’apprécier les résultats en terme de :
- participation des femmes à la prévention des conflits dans les pays de la CEDEAO ;
- protection effective des femmes et des filles, en périodes de pré- conflits, conflits et post-conflits ;
- participation équitable des femmes et des hommes dans les processus de la paix, de la sécurité et de reconstruction dans les situations post-conflits.
En ce qui concerne la méthodologie utilisée, il a dit que l’évaluation a été organisée en deux étapes. La première essentiellement axée sur des évaluations pays et la deuxième sous forme de synthèse globale basée sur l’exploitation de l’ensemble de la documentation produite dans la période considérée par les consultant-e-s nationaux et quelques acteurs régionaux, de même que sur la base de données mise en place comme source documentaire de l’essentiel des publications disponibles sur la thématique. Il a relevé un certain nombre de difficultés liées à la production de son rapport qui était fortement dépendant de la qualité et de la diversité de format de présentation des données d’évaluation et surtout à l’impossibilité de délier les actions développées en référence aux objectifs et actions du Plan d’Action Régionale de celles initiées par les acteurs dans le cadre de leur programme d’intervention.
Il a également rappelé le cadre, le contenu et les résultats attendus du Plan d’Action Régional 2010-2014 et souligné qu’il a été conçu selon une logique d’intervention qui tenait compte de la diversité des acteurs et de la nécessité d’offrir à chacun la possibilité de développer des actions de contribution à l’atteinte des trois objectifs suivants :
- Objectif spécifique 1 : Améliorer la participation des femmes à la prévention des conflits dans les pays de la CEDEAO ;
- Objectif spécifique 2 : Assurer la protection effective des femmes et des filles en périodes de pré-conflits, conflits et post conflits ;
- Objectif spécifique 3 : Assurer la participation équitable des femmes et des hommes dans les processus de la paix, la sécurité et de reconstruction dans les situations post-conflit
Un cadre de suivi et d’évaluation a été adjoint au cadre logique pour garantir une exécution satisfaisante du plan d’action régional. Il était attendu que:
- chaque Etat membre de l’Afrique de l’Ouest dispose de son plan d’action national sur la mise en œuvre de la résolution 1325,
- les Etats membres garantissent la promotion de l’intégration systématique de la dimension genre dans les processus de réforme de la justice et du secteur de la sécurité,
- ONU FEMMES (à l’époque UNIFEM/INSTRAW) développe, avec la CEDEAO à travers le Centre pour le Développement du Genre, des initiatives de soutien aux actions clés des Ministères en charge du genre, dans la mise en œuvre des plans d’action nationaux et de la campagne du Secrétaire Général des Nations Unies pour mettre fin à la violence faite aux femmes, et
- les partenaires techniques et financiers appuient les actions des organisations de la société civile dans le domaine de la paix et de la sécurité.
Il a fait remarquer que le PAR n’était pas élaboré selon l’approche de la gestion axée sur les résultats.
Il a dit qu’il a basé son analyse des résultats sur une revue de la cohérence des éléments programmatiques, des rôles et responsabilités assumées par les différents acteurs, de l’évaluation du niveau d’atteinte et de la pertinence des résultats, de l’efficacité développée, de la durabilité des résultats, des forces et faiblesses et des leçons à tirer.
En ce qui concerne la cohérence, il a affirmé que pour l’essentiel, les objectifs du PAR et des PAN intègrent la promotion des droits fondamentaux des femmes nécessaires pour leur sécurité physique et mentale et que les résultats attendus aux trois objectifs ainsi que les actions projetées pour les atteindre sont en cohérence avec le contenu des résolutions 1325 (2000) et 1820 (2008). Les activités contenues dans le PAR ont été centrées sur des priorités de sécurité, de renforcement des mécanismes de réponse pour la protection et la prévention contre la violence, la lutte contre l'impunité, l'amélioration des connaissances des instruments connexes visant à protéger les droits de la femme, la responsabilisation des femmes et des filles à participer efficacement à la prise de décisions dans la reconstruction post-conflit et la reconstruction à tous les niveaux.
Concernant les rôles et responsabilités des parties prenantes, il a relevé que le schéma d’exécution du PAR qui prévoyait une mise en œuvre partagée n’a pas été exécuté comme prévu. La responsabilité dévolue à la CEDEAO à travers son Centre pour le Développement du Genre n’a pas été menée à terme en raison d’un conflit issu d’un malentendu avec l’UNOWA. En ce qui concerne, le rôle attendu du Réseau Paix et Sécurité des Femmes de l’espace CEDEAO (REPSFECO), à savoir, servir d’organe de coordination pour les organisations de la société civile en Afrique de l’Ouest, il a dit que les appréciations reçues ont été très partagées entre l’effectivité du rôle attendu pour ce qui est des relations avec les antennes nationales dudit réseau et l’ineffectivité pour ce qui concerne les organisations de la société civile qui ne se reconnaissaient pas comme membres de ce réseau. En ce qui concerne la mise en place d’une entité composée des ministres en charge des affaires féminines et du genre, de la CEDEAO, de l’UFM, de l’Union Africaine (UA) et des Nations Unies pour assurer la responsabilité du suivi et l’évaluation de la mise en œuvre du PAR, il a noté que cette fonction a été assumée par le Groupe de Travail Femmes, Paix et Sécurité en Afrique de l’Ouest (GTFPS-AO) qui a mobilisé plusieurs acteurs du système des Nations Unies, des organisations de la société civiles, des universitaires, des centres de formation et de recherche en une plateforme coordonnée par UNOWA et ONU Femmes.
Pour ce qui est de la responsabilité des Etats membres à garantir la promotion de l’intégration systématique de la dimension genre dans les processus de réforme de la justice et du secteur de la sécurité, il a relevé que des actions ont été certes menées dans ce sens, mais que les rapports d’évaluation nationaux n’ont pas établis le niveau d’influence de ces actions sur ces processus.
Concernant le développement d’actions de soutien aux initiatives clés des Ministères en charge du genre, les organisations de la société civile ont eu à déplorer la faiblesse des moyens mobilisés par les Etats membres et les partenaires techniques et financiers pour l’exécution de leurs plans d’action spécifiques.
Il a dit que globalement, l’exécution du PAR a été centrée sur le contenu de la matrice des activités qui étaient retenues pour atteindre les trois objectifs fixés et que pour l’essentiel les activités développées ont été pertinentes puisqu’elles ont contribué à créer une meilleure perception de l’intérêt à créer des conditions de protection effective des femmes et des filles dans les situations de conflits, de leur participation à la gouvernance politique, de prévention des conflits et surtout de contribution au règlement des conflits.
Au point de vue efficacité des interventions il a signalé la mobilisation conjointe d’acteurs étatiques et non étatiques mais aussi des partenaires techniques et financiers à travers le GTFPS-AO et l’organisation des journées portes ouvertes qui ont favorisé un rapprochement des autorités avec les acteurs de la promotion et défense des droits des femmes pour l’effectivité de leur participation et protection en situation de conflit et contre les violences basées sur le genre.
Il a dit que l’impact le plus perceptible des actions développées dans le cadre de la mise en œuvre du PAR a été le niveau de connaissance par les acteurs intervenants dans la défense et la promotion des droits des femmes et des filles du contenu des Résolutions 1325 (2000) et suivantes du CSNU sur les Femmes, la Paix et la Sécurité. Un autre impact non moins important, a-t-il ajouté, était le développement de synergie entre les partenaires, les acteurs étatiques et les organisations de la société civile pour la mise en œuvre concertée et conjointe d’actions visant la participation des femmes, la prévention des conflits et violences et surtout leur protection en situation de conflit.
Cette présentation du rapport de synthèse a été suivi d’un débat au court duquel les différentes intervenant-e-s ont relevé les défis rencontrés dans l’élaboration des rapports nationaux d’évaluation, les informations manquantes en ce qui concerne la Matrice des activités et réalisations par pays annexée au rapport de synthèse et d’autres défis liés à l’élaboration des plans d’actions qui n’ont pas été pris en compte dans le rapport.
Les travaux de la matinée se sont poursuivis avec les interventions des délégations du Libéria et de la Guinée sur leurs expériences réussies en matière de médiation et les échanges sur les défis actuels que représentent l’extrémisme violent, le terrorisme et le fondamentalisme religieux pour nos communautés et surtout les femmes et les filles.
L’après-midi était essentiellement consacré aux travaux en groupes pour :
- revoir, reformuler et compléter les bonnes pratiques et les leçons apprises proposées par le consultant régional dans le rapport de synthèse,
- répertorier les institutions régionales et structures de coordination existantes, et
- formuler des doléances et recommandations aux acteurs impliqués dans la mise en œuvre de la résolution 1325 et suivantes du CSNU.
Journée Portes Ouvertes Femmes, Paix et Sécurité
Cette 6ème édition de la Journée Portes-Ouvertes sur la mise en œuvre des Résolutions 1325 (2000) et suivantes du Conseil de Sécurité des Nations Unies sur les femmes, la paix et la sécurité a été organisée à Dakar le 3 novembre 2015 dans la salle de conférence de l’Hôtel Ngor Diarama en présence du Représentant Spécial du Secrétaire-Général des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest, M. Mohamed Ibn Chambas, de la Directrice régionale pour l’Afrique de l’Ouest et de Centre d’ONU Femmes, Mme Diana Ofwona, et de la Directrice du Centre CEDEAO pour le Développement du Genre, Mme Aminata Dibba.
Elle a réuni les femmes leaders de l'Afrique de l'Ouest et des représentants de la société civile, des organisations régionales et des agences des Nations Unies.
Elle a débutée avec les allocutions des différentes personnalités présentes. Ensuite le consultant régional a présenté les grandes lignes du rapport synthèse de l’évaluation du Plan d’Action Régional. Puis, les femmes leaders de 10 pays de la sous-région ont présenté des papiers sur des exemples d’effectivité de la mise en œuvre des résolutions 1325 et suivantes dans leur pays :
- Burkina-Faso : La place des femmes avant, pendant et après les événements d’octobre 2014 et septembre 2015
- Cote d’Ivoire : Participation des femmes au sein des forces de défense et de sécurité : Les avancées et défis de la Réforme du Secteur de la Sécurité en Côte d’Ivoire
- Ghana/WANEP: Principaux réalisations, bonnes pratiques et leçons apprises du partenariat entre le WANEP et la CEDEAO
- Guinée : Implication des femmes dans le dialogue politique en République de Guinée
- Guinée Bissau : Participation des femmes au processus électoral : Bonnes pratiques et leçons apprises
- Liberia: Femmes libériennes engagées dans la médiation locale et communautaire
- Mauritanie : Loi sur le quota de 20% : Bilan et perspectives
- Sénégal : Plateforme de la Casamance : Bilan et perspectives
- Sierra Leone: Impact de la Maladie à virus Ebola sur les femmes
- Togo : La place du genre et des femmes dans la gestion et la conduite de l’élection présidentielle d’avril 2015
Les doléances et recommandations des femmes de la sous-région ont été lues et remises aux différentes personnalités qui les ont favorablement accueillies et ont promis de les prendre en compte dans leurs stratégies d’intervention. Les recommandations incluaient entre autres, d'établir et d'institutionnaliser un groupe de contact de femmes de haut niveau en charge d'accompagner tous les processus électoraux et de médiation dans la région, de sensibiliser et d'impliquer les femmes, les jeunes, les chefs religieux et les communautés dans les programmes de lutte contre l'extrémisme violent, le terrorisme et le fondamentalisme religieux.
La Journée s’est achevée avec la conférence de presse où plusieurs journalistes ont interpellé les personnalités présentes sur les actions qu’elles mènent dans la sous-région relatives à la mise en œuvre des résolution 1325 et suivantes et spécifiquement sur le terrorisme violent qui prend de plus en plus d’ampleur dans la sous-région, les prochaines élections au Burkina Faso.
Conclusions et perspectives
Nous avons utilisé l’opportunité de notre participation pour échanger et tisser/renforcer des liens avec d’autres actrices/acteurs de la sous-région travaillant sur la thématique Femmes, Paix et Sécurité. Nous pensons continuer de travailler avec elles/eux et de contribuer au processus national qui conduira à l’élaboration du deuxième Plan d’Action National du Togo.
Pour ce qui est des prochaines étapes relatives à la réunion de validation, Mme TELOU a dit que le rapport de synthèse sera finalisé en intégrant les contributions des différentes parties prenantes, puis il sera traduit en anglais et publié. La CEDEAO a déjà élaboré un projet de deuxième Plan d’Action Régional qui sera actualisé au regard des recommandations du rapport de synthèse et discuté en 2016 lors d’une rencontre régionale avec l’ensemble des acteurs.
En ce qui concerne, les Journées Portes-ouvertes annuelles instituées depuis 2010 par le Secrétaire Général des Nations Unies, le rendez-vous est pris en 2016 pour continuer le dialogue direct avec les femmes et les acteurs des différentes régions du monde, afin de faire le point sur la mise en œuvre des résolutions 1325 et suivantes du Conseil de Sécurité des Nations Unies sur les femmes, la paix et la sécurité.
[1] Massan d’ALMEIDA est la Consultante chargée de l’évaluation du Plan d’Action
Nationale du Togo relative à la mise en œuvre des résolutions 1325 et suivantes du Conseil de Sécurité et la Directrice Exécutive du ROFAF. Cette adresse email est protégée contre les robots des spammeurs, vous devez activer Javascript pour la voir. / Cette adresse email est protégée contre les robots des spammeurs, vous devez activer Javascript pour la voir.
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