Traditionnellement interétatiques, ils deviennent aujourd’hui des conflits internes : ils se passent à l’intérieur des frontières du pays ou conjuguent des dynamiques de guerre civile et de conflit international. Au cours du XXe siècle, le nombre des victimes civiles dans les conflits a augmenté de façon considérable, les parties en conflit exerçant délibérément la violence sur la population civile.
Cette évolution est accompagnée par un changement dans le paysage démographique des sociétés postconflit : déclin de la population masculine, changement dans la taille et la composition des familles, et augmentation, de fait, des femmes chefs de famille. L’accroissement de la proportion des conflits internes se reflète aussi dans l’importance toujours plus grande des déplacements de population, les femmes et les enfants constituant généralement la majorité des personnes déplacées internes ou réfugiées.
La croyance populaire représente la guerre comme étant le lieu où les soldats et les structures militaires sont la cible des hostilités et les seuls protagonistes de la violence. Mais les expériences actuelles ou récentes contestent cette vision. Dans les « guerres modernes », il n’y a pas de champ de bataille ou de ligne de front bien délimités.
De façon évidente, les hommes sont les principaux perdants dans la guerre, du fait qu’ils constituent la majorité des protagonistes, et donc la majorité des victimes dans le conflit (Byrne 1996b : 34). Mais les femmes en subissent également les effets dévastateurs, que ce soit de façon directe en tant qu’objets de la violence ou par l’effet de la dislocation de leurs moyens de subsistance et de leurs réseaux sociaux (Byrne 1996a : 2). Elles ne restent pas pour autant des victimes passives devant leur sort : elles deviennent des soldats qui participent aux combats, des travailleuses qui soutiennent l’effort de guerre, elles interviennent dans la politique nationale, deviennent réfugiées ou survivent à la violence en assumant des rôles précédemment réservés aux hommes.
Un conflit provoque une rupture profonde avec la vie sociale de tous les jours, en ce que toutes les normes et « valeurs sûres » sont remises en question, transgressées ou inversées (Reysoo 2001 : 6). Femmes, hommes, enfants et vieillards se trouvent confrontés à de nouveaux rôles et responsabilités : « Les épouses, en l’absence de l’homme au foyer, doivent faire fonctionner le ménage, en générant des revenus, en assurant la subsistance, tout en dispensant des soins et le soutien affectivo-moral. Elles doivent prendre des décisions dans des domaines traditionnellement masculins et se voient obligées de se mouvoir dans des espaces étrangers ou interdits à elles en temps normal » (Reysoo 2001 : 15). Aussi paradoxal que cela puisse paraître, les exemples de conflits récents nous forcent à reconnaître que les femmes ont quelque chose à « gagner » de la guerre. Elles se voient non seulement investies de plus de tâches en l’absence de leur mari, mais elles s’approprient aussi plus de libertés, de nouveaux pouvoirs et espaces de pouvoir. Mais l’histoire nous apprend également que ces gains, et les transformations sociales qui ont lieu pendant les situations de conflit, sont le plus souvent éphémères. Les femmes perdent généralement ces acquis à la fin de la guerre, lorsque les hommes revendiquent à nouveau leur autorité au sein de la société et de la famille.
Ces organisations leur ont fourni de l’assistance pour les aider à reconstruire leur vie, leur famille et leur communauté. Economiquement, elles ont développé des activités génératrices de revenus qui ont permis aux femmes d’être indépendantes et plus sûres d’elles. Politiquement, lesfemmes ont eu accès à plus de pouvoir par une éducation civique et par la participation au sein du système politique formel.
Ensemble, elles ont cherché leurs proches disparus, exigé la condamnation des responsables de la violence, demandé des droits égaux, mais surtout revendiqué d’être traitées avec respect et dignité, dans une société profondément machiste et raciste comme la société guatémaltèque. Enfin, les femmes ont joué un rôle clé dans la construction d’espaces démocratiques et la défense des droits de l’homme au Guatemala. Elles ont ainsi ouvert ou pénétré des espaces dont elles étaient auparavant exclues. Elles ont acquis un pouvoir plus grand sur leur vie, dans leurs relations au sein de la famille et de la communauté et dans les espaces publics.
Ce travail se propose de voir comment les organisations de femmes participent à l’accroissement du pouvoir économique, social et politique de leurs membres, ou tout simplement les aident à survivre pendant des temps bouleversés. Il s’agira d’aller audelà de l’image conventionnelle des femmes comme victimes de la guerre et de documenter les différentes façons par lesquelles les femmes contribuent, pendant le conflit et dans la phase de reconstruction postconflictuelle, à leur survie, au maintien de leur famille et de leur communauté, et à l’obtention d’une meilleure position sociale, économique et politique dans la société d’après-guerre. Il faudra également essayer de mettre en lumière comment, dans la phase de reconstruction postconflictuelle, se fait la reconfiguration des rôles et des positions de genre, et comment les actions des femmes façonnent les structures de la société d’après-guerre.
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