«Pas plus tard que ce matin, un article d’un quotidien local estime que, parmi mes défauts, il y a: “rentre dedans�, raconte la députée européenne (UDI) Sophie Auconie. Un homme qui ne se laisse pas faire a de l’autorité, une femme est autoritaire.» Autant dire qu’elle s’est totalement retrouvée dans les récents propos de Dominique Voynet (EELV) qui disait dans Libération: «Chez un homme un même comportement est qualifié d’exigeant, et moi je serais “odieuse�». Des accusations portées également contre Nathalie Kosciusko-Morizet, candidate (UMP) à la mairie de Paris, qui a d’ailleurs signé le manifeste avec sa rivale socialiste Anne Hidalgo.
Des thèmes où on ne les attend pas
«La politique est le dernier terrain d’opérations militaires dans l’esprit des hommes. Ils parlent «stratégie», «tactique», disent «on va les tuer». Les femmes n’y ont pas leur place», poursuit Sophie Auconie qui regrette également que «la première chose qu’on lui demande quand on l’interviewe, c’est comment concilier vie politique et vie familiale».
Au sein de l’UDI également, la sénatrice Chantal Jouanno constate que «dans les réunions, le crédit accordé aux femmes est inférieur à celui des hommes». «Cela se remarque à l’écoute et aux thèmes abordés.» Certains hommes auraient ainsi fait savoir en interne qu’ils auraient été mieux à même de s’occuper des Affaires étrangères dans le contre-gouvernement de l’UDI, poste qu’elle occupe.
«On nous aime jeunes et jolies»
«Dans les partis, les postes régaliens clés, comme la trésorerie, l’organisation, les fédérations et les élections, sont occupés par des hommes», souligne la sénatrice (PS) Laurence Rossignol qui évoque «l’obsolescence programmée» des femmes en politique. «Vous connaissez beaucoup de sénatrices qui ont l’âge de Jean-Claude Gaudin [74 ans]?», interroge-t-elle. «En politique, on aime les femmes jeunes et jolies. Et si elles peuvent en plus remplir plusieurs autres quotas comme être issue d’une minorité visible ou de la société civile, c’est mieux», grince l’élue de l’Oise.
Une impression partagée par la (jeune) conseillère régionale et de Paris (UMP) Géraldine Poirault-Gauvin qui a l’impression qu’en qualité de colistière de Philippe Goujon aux législatives en 2007, elle «était bien pour faire jolie sur l’estrade». «Une fois qu’il a été élu, je n’ai plus eu accès aux réunions stratégiques du vendredi que l’on m’a dit réservées aux hommes. Cela fait partie des choses pour lesquelles je ne suis plus en phase avec lui», explique celle qui est aujourd’hui en conflit avec le député. «Pour la conquête du pouvoir, on met des femmes. Pour son exercice, des hommes.» Selon elle, «la gauche est en avance là -dessus».
Le monde politique fait de beaux discours
C’est pourtant des rangs de la gauche qu’a fusé un «au moins, elle est jolie à regarder» lors d’une question au gouvernement à l’Assemblée, se souvient l’ancienne secrétaire d’Etat à l’Ecologie Chantal Jouanno. Mais au-delà  des remarques, «l’invisibilité est le pire», constate-t-elle, en référence au déséquilibre dans la représentation. «Si vous regardez les listes aux européennes, vous verrez que les députés sortants sacrifiés sont toutes des femmes», souligne Sophie Auconie. «Ce problème n’est pas spécifique à la politique. Il touche les syndicats, les associations, les clubs de sport», recadre Chantal Jouanno. Mais si elle a signé le manifeste, c’est parce que «c’est bien le monde politique qui fait de beaux discours. C’est donc à lui d’être exemplaire.»
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