Suite à la 5ème rencontre internationale de l’ESS qui s’est tenue à Manille en 2013, le réseau intercontinental de promotion de l’économie sociale et solidaire (RIPESS) a ouvert, jusqu’au 28 mars dernier, une consultation mondiale.
Qu’est-ce que cette consultation? Quels en sont les enjeux? Que deviendront les contributions? Explications.
2015 est une échéance importante dans l’agenda international pour la mise en place de nouveaux objectifs au niveau mondial, les objectifs du développement durable (ODD) qui remplaceront les objectifs du millénaire pour le développement (OMD)[1]. Des indicateurs et des cibles complèteront ces objectifs.
Contexte et enjeux
Depuis 2013 et jusqu’en juillet 2014, les ODD se négocient au niveau de la communauté internationale, sous l’égide du secrétariat général de l’ONU. Les apports de la société civile sont essentiels et sont reconnus comme tels. La consultation du RIPESS s’inscrit dans ce cadre. Le RIPESS a ainsi pu s’exprimer dans une session spéciale de l’ONU consacrée au dialogue entre la société civile, les gouvernements et les représentants des nations unies le 22 septembre 2013.
Dans cette intervention, Daniel Tygel, coordonnateur RIPESS,recommandait une ouverture plus grande sur les indicateurs en mettant en avant une vision intégrée du développement qui prenne en compte tous les facteurs de la vie humaine et appelé BUEN VIVIR (qui pourrait se traduire grossièrement par «Â bien vivre ») ou l’indice de bonheur national brut. Il recommandait également de changer de paradigme économique: d’une économie à but lucratif, orientée vers le marché et la concurrence à une économie équitable, sociale et solidaire. “Il y a des centaines de milliers d’initiatives économiques en Amérique latine, mais aussi dans tous les autres continents, basées sur le travail collectif associatif et la reproduction de la vie�, rappelait-il. “Ces initiatives sont intrinsèquement: Inclusives ; Ancrées dans la communauté; Génèrent une citoyenneté active par ses membres; Promeuvent l’émancipation économique des femmes et l’égalité des sexes, la diversité, la préservation des cultures autochtones et traditionnelles.
Tout cela tout en faisant l’économie: production de biens et services; commerce; circuits locaux de valeurs agrégées, organisation de consommateurs, services financiers, gestion des ressources naturelles, parmi beaucoup d’autres. Dans les zones rurales, des myriades d’initiatives agro-écologiques garantissent l’accomplissement du si nécessaire droit à la souveraineté alimentaire dans les territoires (tel que défini par Via Campesina), outre le travail associatif décent et la forte réduction des produits agrochimiques et transgéniques.�
Quels indicateurs pour demain?
La question d’indicateurs clairs pour apprécier positivement la création d’un environnement favorable à l’épanouissement d’une économie sociale et solidaire en termes de politiques publiques notamment de financement, de fiscalité favorable, de critères sociaux et écologiques pour les marchés publics, de cadres juridiques adéquats est essentielle.
C’est pourquoi les réseaux associatifs français regroupés autour de la coalition AMCP et RIO Plus 201 ont lancé plusieurs groupes de travail ouverts aux collectivités territoriales dont l’un porte sur les indicateurs.
Un premier rapport sur ces indicateurs est en ligne sur le site des nations unies et a été soumis à consultation jusqu’au 28 mars 2014. Construit autour de 10 objectifs, un objectif relatif au monde urbain et aux modes de faire pour améliorer la capacité des populations à se prendre en main concerne notamment l’économie sociale et solidaire, même si sur l’ensemble des autres objectifs les politiques publiques de l’ESS peuvent intervenir.
En septembre 2014, un premier rapport sur les ODD sera remis par la communauté internationale, un an avant la COP conférence climat qui se tiendra à Paris en 2015. Au regard des expériences passées, la plupart des observateurs estiment que cette COP clôturera la partie consultative des ODD. Ensuite joueront davantage les effets réseaux.
L’expérience du conseil général de Gironde
Dans cette perspective, la mobilisation sur les territoires est alors un objectif important. Les Conseil généraux des Hauts de Seine, de Gironde, Lille métropole et le RTES étaient ainsi présents à la deuxième réunion sur les indicateurs du collectif AMCP–RIO PLUS 20. L’expérience du conseil général de Gironde à partir de son travail sur l’agenda 21 départemental y a été relatée. Selon Sébastien Caye du département, il s’agit de dépasser le stade de l’observation pour travailler sur la transformation du territoire. Le conseil général de Gironde est parti des 5 objectifs du Grenelle de l’environnement pour essayer de construire, à partir des statistiques existantes et accessibles, le profil d’un territoire durable. Parallèlement, il met en place une boite à outils dont peuvent se saisir les acteurs du territoire. Cette démarche s’est voulue la plus participative et la plus itérative possible, sur base d’enquêtes réalisées par des stagiaires d’écoles ou d’universités avec lesquelles le conseil général était en relation. A cette occasion, le département s’est rendu compte de l’accessibilité ou non de certaines données essentielles, y compris de la perte de données comme celle de la consommation énergétique des ménages beaucoup moins accessible maintenant que le marché de l’énergie est davantage ouvert à la concurrence. Toutes les données recueillies par le conseil général de Gironde sont accessibles en open data dans une ressourcerie, datalocale.fr.
Ce travail se poursuit dans deux directions:
quelle est l’empreinte écologique au niveau du territoire départemental(curieusement, elle n’est pas connue.)
quelle gouvernance locale pour un territoire durable? (ce qui renvoie à la question de la responsabilité des acteurs car tous agissent ou pas en faveur du développement durable).
Une cartographie de la responsabilité est en cours de réalisation.
Territoires et utilité sociale
Ces outils et démarches, comme d’autres[2], peuvent permettre de se poser les bonnes questions au niveau des territoires, de faciliter la mobilisation citoyenne, de rendre visibles les responsabilité mais aussi les irresponsabilités, renouvelant ainsi le débat et les pratiques participatives. Car ces choix d’objectifs d’indicateurs et de cibles ne sont pas techniques; ils sont des choix collectifs que les territoires ne doivent pas laisser aux seuls Etats. Ces objectifs, indicateurs et cibles ne seront vraiment appropriés et suivis que s’ils sont construits au plus près des territoires. Dans cette construction, l’économie sociale et solidaire a toute sa place, du territoire de proximité à l’international.
Le RIPESS terminait en septembre 2013 ses recommandations devant l’ONU en citant un vieux dicton sénégalais “Il est facile d’entendre un arbre tomber. Mais il est beaucoup plus difficile d’entendre, comprendre et reconnaître une forêt pleine et diverse pousser.� A nous de montrer l’invisible de l’utilité sociale.
Source:rtes.fr
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