Les enfants, premières victimes des mines antipersonnel en Iran

Dimanche, 04 Mai 2014 20:23
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L’Iran fait partie des pays où l’on trouve le plus de mines antipersonnel. Des bombes qui tuent et mutilent des dizaines de personnes chaque année. La plupart de ces mines datent de la guerre Iran-Irak (1980-1988), tandis que d’autres ont été posées par le gouvernement iranien pour combattre des groupes armés et les contrebandiers.

D’après la Campagne internationale pour interdire les mines, 46 morts, dont 7 enfants, ainsi que 76 blessés ont été recensés en Iran en 2012 (aucun chiffre n’est disponible pour 2013). Ces mines terrestres jonchent la frontière de 11 000 km que l’Iran partage avec l’Irak, la région la plus touchée étant la province du Kurdistan en raison des conflits qui y ont opposé Téhéran et des groupes armés pendant les années 80 et le début des années 90.
De nombreux spécialistes estiment que le gouvernement iranien continue d’utiliser les mines antipersonnel aujourd’hui pour combattre des trafiquants de drogues et des contrebandiers. Téhéran ne l’a jamais officiellement admis mais, en 2008, en expliquant aux Nations unies pourquoi il refusait de signer un traité interdisant ces armes, les autorités iraniennes ont expliqué que le texte ne prenait pas en compte "les exigences légitimes de nombreux pays, en particulier de ceux disposant de longues frontières terrestres, d’utiliser [des mines antipersonnel] pour défendre leur territoire."
En 2014, trois randonneurs ont été tués par des mines dans deux incidents séparés dans le désert du Lout. D’après des spécialistes du sujet, ces engins auraient été installés récemment car ils se trouvaient sur une route empruntée par les trafiquants de drogues, dans une zone où aucune mine n’avait été trouvée auparavant.

"Elles peuvent se retrouver n’importe où, comme dans un terrain vague où vont s’amuser les enfants"

IranWithoutMind (pseudonyme) est un activiste qui tient un blog anonyme dédié à la problématique des mines antipersonnel dans le Kurdistan iranien.

Pour lutter contre des groupes armés, des mines ont été placées à la lisière de villes et de villages. Parce qu’elles n’ont pas été rapidement désamorcées, le vent, la pluie et les glissements de terrain les ont déplacées, ce qui les rend encore plus difficiles à trouver aujourd’hui. Elles peuvent désormais se retrouver n’importe où, comme dans un terrain vague où vont s’amuser les enfants. Il y a quelques années, une mine a explosé dans une cour d’école. Les enfants ramassent ces engins par curiosité car ils n’ont aucune idée de ce que c’est. Même dans des zones qui ont été officiellement déminées, il y en a toujours qui explosent car les opérations n’ont pas été menées correctement.

 

J’ai rencontré des enfants blessés qui m’ont raconté ce qu’ils ont vécu. Un garçon appelé Gashin, par exemple, a perdu une jambe après avoir marché sur une mine alors qu’il jouait au ballon. Un autre garçon, Dana, était parti se promener dans une zone où personne ne pensait qu’il y avait encore des mines. Lui aussi a perdu une jambe. Lalya et Ghazal, elles, ont été tuées au cours d’une promenade…

 

 

"J’aimerais que le gouvernement sollicite l’aide des organisations internationales… Mais il ne veut même pas signer le traité d’Ottawa"

 

Les victimes ne bénéficient que de très peu d’aide. Seuls ceux qui ont moins de 16 ans reçoivent une compensation pour financer une prothèse. C’est d’ailleurs loin d’être suffisant parce que les familles doivent toujours assumer le coût du transport vers les centres médicaux, ainsi que l’hébergement une fois sur place. Puis, afin de recevoir une pension d’invalidité, les dossiers des victimes doivent être examinés par les autorités pour qu’elles déterminent leur degré d’handicap. Mais cette procédure est très longue et quand la pension est accordée, elle est souvent très mince. Un enfant amputé d’une jambe recevra ainsi 400 000 rials [environ 11 euros] par mois, par exemple. Dans certains cas, cela couvre à peine le coût des médicaments. Enfin, il y a bien sûr des conséquences psychologiques qui ne sont pas traitées.

 

 

Les autorités doivent mener des opérations de déminage plus rigoureuses dans les zones contaminées et dans le même temps, sensibiliser les habitants aux dangers des mines antipersonnel. J’aimerais que le gouvernement sollicite l’aide des organisations internationales… Mais il ne veut même pas signer le traité d’Ottawa [la convention sur l’interdiction des mines antipersonnel ratifié par 161 pays].