Le triste sort des enfants soldats en Afrique a fait la une des journaux, ces dernières semaines. Tout d’abord avec la sortie de la vidéo Kony 2012 réalisée par le groupe de pression Invisible Children, puis, tout récemment, avec le verdict prononcé envers l’ex-président libérien Charles Taylor, accusé notamment d’enrôlement d’enfants soldats. Mais ce que beaucoup oublient, c’est qu’un grand nombre de ces enfants sont des filles. Les reportages sur les enfants soldats montrent en général des photos de jeunes garçons tenant un fusil, mais "près de la moitié de tous ces enfants associés à des groupes armés sont des filles", selon un rapport de l’organisation Save the Children datant de 2005.
Le débat mené actuellement dans les médias sur les enfants soldats inclut la plupart du temps des garçons. Pourtant, de nombreuses filles sont impliquées dans les combats.?Les filles soldates ont tendance à cacher leur passé de crainte d’être stigmatisées. Leur problème est aggravé du fait que la communauté internationale sous-estime leur rôle dans les conflits - ce qui ne fait qu’entraver leur intégration.
Progrès juridiques La question des enfants soldats est certainement en train d’attirer davantage d’attention, ces derniers temps. L’ex-président libérien Charles Taylor vient d’être jugé coupable par le Tribunal spécial pour la Sierra Leone (TSSL) d’avoir aidé et encouragé des crimes et des abus sexuels et d’avoir enrôlé des enfants soldats.
Le TSSL est un pionnier dans la poursuite des responsables de l’enrôlement d’enfants soldats et de mariages forcés. Mais malgré les progrès juridiques dans ce domaine, de nombreuses filles dans les forces armées restent invisibles et marginalisées.
La définition généralement acceptée mais pas juridiquement contraignante des enfants soldats selon les Principes du Cap ne se concentre pas uniquement sur les enfants portant des armes. Les filles recrutées pour l’exploitation sexuelle sont également comprises dans la définition.
Stigmatisation Les enfants soldats de sexe féminin en Sierra Leone ont fait face à des défis de réintégration spécifiques : "Un grand nombre d’entre elles ont servi d’esclaves sexuelles et d’épouses de commandants", déclare au micro de RNW David Lamin, spécialiste de la Protection de l’enfance à l’Unicef Sierra Leone.
Les filles qui ont été exploitées sexuellement essaient d’éviter la stigmatisation dans leur communauté en cachant leur passé. Et ce, parce qu’elles sont souvent considérées par les membres de leur communauté comme immorales ou impures.
"Beaucoup d’entre elles craignaient d’être stigmatisées. Elles avaient peur et voulaient garder le profil bas. Elles ne voulaient pas que les gens soient au courant de leur existence, au courant de leur passé", poursuit David Lamin.
Les garçons qui ont les mains amputées ont davantage de chances d’être acceptés par la communauté que les filles qui ont été victimes d’abus sexuels quand elles étaient dans les forces armées, selon le rapport Where are the girls ? de Susan McKay de l’Université de Wyoming et de Dyan Mazurana de la Tufts University.
Réintégration Le Programme de désarmement, de démobilisation et de réintégration (DDR) en Sierra Leone, mis en œuvre par des acteurs nationaux et internationaux, n’a pas été conçu en ayant à l’esprit les filles enrôlées. Le programme demande souvent aux enfants soldats de remettre leurs armes, mais ne fait pas allusion à ceux qui n’en ont pas.
"A la fin du programme, 6.845 ont été démobilisés, dont 547 filles, mais un grand nombre de filles ont été oubliées et n’ont pas participé au programme", déplore David Lamin.
Le programme DDR ne tenant pas compte des filles soldates, de nombreuses filles ne prennent pas part aux programmes de réintégration après s’être échappées ou avoir été relâchées par les forces armées. Par conséquent, beaucoup d’entre elles, selon les observateurs, échouent dans la prostitution.
Attention spéciale Après l’échec du programme DDR, l’UNICEF s’est emparé du problème : "Sans le programme de l’Unicef, il est très probable que les filles n’auraient eu aucune aide", poursuit David Lamin.
Malgré le grand nombre de problèmes auxquels font face les filles soldates, leurs besoins ne sont souvent pas pris en compte. Malheureusement, le problème des filles soldates n’a pas été abordé ni dans la vidéo Kony 2012 ni dans le verdict prononcé à l’encontre de Charles Taylor.
< Précédent | Suivant > |
---|